Down, down, down.

Alice était tombée.

Elle ne se souvenait pas d’avoir chuté dans quoi que ce soit, comme par exemple dans le terrier d’un lapin, mais c’était une certitude: elle venait d’en haut et maintenant, elle était en bas. Ne s’étant pas fait le moindre mal lors de son atterrissage, la fillette se releva sans difficulté. Ses yeux curieux parcoururent les alentours en quête d’un indice qui pourrait l’informer du lieu où elle se trouvait, mais elle ne vit autour d’elle qu’une pièce vide de style japonais. Peut-être était-elle allée jusqu’en Asie pendant son sommeil ? Car la dernière chose dont Alice se souvenait, c’était d’un rêve. Elle était dans l’entrepôt et s’était assise sur une caisse en bois (elle savait donc que c’était un rêve puisqu’il n’y avait jamais eu la moindre caisse en bois chez elle) puis une fille d’environ son âge était apparue devant elle. Impossible de se souvenir de son visage ou du son de sa voix; la seule chose qui était claire dans l’esprit d’Alice, c’était qu’elle lui avait offert un objet. Une simple boite noire et blanche, comme les couleurs d’un jeu d’échec. Elle n’avait pas résisté à la tentation de l’ouvrir et s’était sentie basculer en avant. Peut-être qu’en fait, elle était tombée dans cette boite ? Elle lui paraissait pourtant bien petite pour l’enfermer. Dans ce cas, Alice avait-elle rapetissée ? Ou alors était-ce la boite qui s’était agrandie ? Et puis d’abord, pourquoi cette boite l’aurait-elle amenée en Asie ? Après quelques secondes d’intense réflexion, elle parvint à la conclusion suivante : elle venait d’entrer dans un nouveau rêve. Oui, et la porte de ce rêve n’était autre que l’objet tendu par cette petite fille, sans doute la créatrice de ce monde. Maintenant qu’elle avait comprit ça, Alice n’avait plus qu’une seule hâte: aller l’explorer dans tous ses recoins! Et il fallait qu’elle se dépêche, car sa plus grande hantise était de se réveiller trop tôt; d’ailleurs, même endormie, elle sentait la faim lui tenailler le ventre. Que le réel se mêle au rêve était mauvais signe et présageait bien souvent un retour brutal à la réalité, alors elle devait se dépêcher. Mais lorsqu’elle fit un pas vers ce qui semblait être la porte, un étrange pressentiment vint se loger en elle. Un pressentiment qui se confirma quand elle tenta de soulever un bras. Elle pâlit en comprenant la vérité.

Alice ne rêvait pas.

Son corps était toujours aussi faible qu’avant. D’habitude, dans ses rêves, elle se sentait toujours libre et légère comme le vent, mais là, c’était comme si le poids de la réalité pesait encore sur ses épaules. Elle observa sa main et se rendit compte qu’elle n’avait toujours que la peau sur les os. Donc tout cela était bien réel.

Mais dans ce cas…où était-elle vraiment ?

- Plouf, plouf, plouf, dit soudain une voix enfantine, Alpha sait tout, Alpha voit tout et Alpha te souhaite la bienvenue dans son monde.

Alice leva les yeux en quête de l’auteur de ce message. Elle tourna la tête dans tous les sens, mais ne remarqua personne. C’était stupide. Une voix provenait forcément de quelque part, elle ne pouvait apparaitre seule. Il fallait quelqu’un pour la prononcer. La fillette repensa à celle qui lui avait donné la boite et se dit qu’il devait probablement s’agir d’elle. Elle s’était donc cachée? Pourquoi? C’était un jeu de cache-cache et Alice devait la trouver?

-Elle espère que tu la divertiras de ton mieux, parce qu'un jouet qui n'amuse plus son propriétaire est un jouet cassé qu'il faut jeter. Alors pour ta propre survie, ne pense jamais à devenir un jouet ennuyeux !

Un jouet? Alice s’était donc changée en jouet pendant son sommeil, et qui plus est, le jouet personnel de quelqu’un. C’est bizarre, elle n’avait pourtant pas l’impression d’être différente…ou peut-être un peu, en fait. Elle ne savait pas vraiment. Mais elle n’avait jamais donné son accord pour se transformer ainsi! Elle préférait mille fois mieux être la personne qui jouait plutôt que la chose avec laquelle on jouait. Alpha était fort impolie de décider de ce genre de chose sans son avis.

-Petit Jouet Amusant, tu seras de couleur blanche, pion comme tous les autres, et ton Roi Blanc viendra te chercher ! Je me ferai plaisir de le déranger par la Résonance pour une petite nouvelle ! Chantonna la voix d'Alpha. Mais avant, dans sa grande mansuétude, Alpha t'accorde un vœu, mais un seul. Que désires-tu, Petit Jouet ?

Un pion blanc, un roi blanc…c’était un jeu d’échec. Oh non, Alice n’avait jamais aimé les échecs. Elle n’allait pas être obligée de jouer, tout de même? Mais si elle se fiait à ce qu’avait dit Alpha, alors elle n’avait pas eu tout à fait tort au début; elle avait bel et bien pénétré dans un autre monde, et ce monde était un jeu d’échec géant où chacun jouait le rôle d’une pièce. Dans ce cas, qui était Alpha? Peut-être la reine, puisqu’elle avait créé ce jeu. En tout cas, qui qu’elle soit, elle avait décidé de lui accorder un vœu. Ça, par contre, ça plaisait à Alice. Personne ne lui avait jamais demandé ce qu’elle désirait. Si elle pouvait réellement lui exaucer un souhait, alors elle avait l’intention d’en profiter. Comme si elle avait rencontré un génie capable de tout. Alpha était donc un génie?

-Si vous pouvez vraiment m’accorder n’importe quel vœu, alors…commença-t-elle en réfléchissant attentivement, ayant presque déjà oublié les étranges circonstances de son arrivée ici, alors je souhaiterais pouvoir contrôler les rêves à ma guise. Créer ce que je veux créer, changer ce que je veux changer, détruire ce que je veux détruire. Je serais maîtresse de mon monde et de celui des autres. Oui, c’est cela ; je deviendrais la reine du monde des rêves.

La reine du monde des rêves…un sourire tordu vint lentement prendre place sur ses lèvres, éclairant son visage d’une douce folie. Le mot «limites» perdrait tout son sens ; elle n’en aurait plus aucune. Elle pourrait créer un nombre infini de mondes et y entrainer des compagnons de jeux pour s’amuser avec elle. Le réveil ne serait plus un problème, car elle choisirait l’heure et le moment d’émerger. C’était ce qu’elle souhaitait depuis longtemps; que le monde des rêves devienne son monde. Personne ne pourrait l’y arrêter, et elle n’y serait plus jamais seule. Alpha était-elle capable de le réaliser? Car si ce n’était pas le cas, Alice serait en colère. On ne donnait pas tant d’espoir à une personne pour le reprendre l’instant suivant; cela manquerait cruellement de bienséance. Alice voulait son pouvoir. Alice voulait son rêve. Et Alice l’aurait, quoiqu’il arrive. Même si pour cela, elle devait accepter le rang de jouet.

Car à côté de ça, Alice serait la reine.

- Où tu vas, dis-moi, Roi Blanc ?
- Ne t'inquiètes pas, je vais accueillir une nouvelle pièce. Et tu peux m’appeler Eraël, tu sais, je ne suis pas Dieu non plus. Profites-en pour visiter un peu les alentours.
- D'accord. Mais Roi Blanc te va mieux... Eraël, ça sonne comme erreur.

Un peu soufflé par ce que le jeune cavalier venait de lui dire, le dénommé Eraël profita du fait d'être toujours de dos pour ne pas montrer combien cette remarque était réelle pour lui. Il marcha lentement vers la porte sans rien dire, avant d'esquisser un petit sourire en direction de la nouvelle pièce, puis disparut dans le couloir. Il souffla pour reprendre ses esprits, marchant en direction de la salle d’accueil, guidé par le phénomène de Résonance. Il plongea ses mains dans ses poches avant d'en ressortir une pour pousser une porte qui venait d'apparaître au détour d'un couloir. La salle d'Accueil. Précisément, la porte de la salle d'accueil. La Résonance lui indiquait que la nouvelle pièce était de sa couleur, normal. Un nouveau pion, sans doute. A moins qu'Alpha n'en est décidé autrement. Elle distribuait les promotions de rang à tour de bras, en ce moment... La porte s'ouvrit sur une petite fille. Oui, une petite fille. Une amie d'Alpha, peut être ? Quoi que... Elle restait rarement avec des personnes de son âge, ce n'était pas vraiment une indication sur leur rencontre. De toute manière, ça ne le regardait pas, et il n'était pas du genre à poser des questions personnelles aux gens si ce n'était pas nécessaire.

- Bonjour... Je suis le Roi Blanc, Eraël Lavian. Alpha m'a demandé de venir te trouver, je vais te servir de guide à travers les pièces du Jeu. Si t'as des questions... Je suis là aussi. Ne dis ton voeu à personne, même pas à moi, ça pourrait te porter préjudice. On peut savoir ton rang et ton nom ? Demanda-t-il doucement et gentiment, comme à son habitude.

"La Reine des Rêves ? Waaaaw, c'est pas banal comme vœu ! C'est limite une place privée dans un autre monde, sans que personne ne soit au courant... Super ! Adjugée vendue, Reine des rêveries ! Tu pourras contrôler le monde des rêves à ta guise, au même titre que je contrôle ce Jeu !"

Alpha avait l’air enthousiaste. Mais cela, Alice ne le remarqua qu’à peine. Tout ce qu’elle retint de son discours, c’est que son vœu avait été exaucé. Son vœu. Son nouveau titre. Son souhait. Son désir le plus profond. Son pouvoir. N’était-ce pas là une vraie merveille ? Maintenant, Alice le savait avec certitude ; la Alice qui s’était couchée hier et celle qui s’était réveillée aujourd’hui n’étaient plus les mêmes. Cette dernière était beaucoup plus puissante, plus forte. Les limites qui régissaient la vie de l’ancienne Alice n’avaient plus lieu d’être chez la nouvelle et c’était là un nouveau départ grandiose. Celle qu’elle était hier se contentait rester simple spectatrice du monde des rêves ; celle qu’elle était aujourd’hui en était devenu la reine.

"Bon, bon, petit pion blanc, nous nous reverrons bientôt ! Tu n'as plus qu'à patienter ! A bientôt, petit Jouet. Et n'oublie pas que je veille !"

La voix d’Alpha s'éteignit progressivement jusqu'à disparaître complètement. Était-elle partie ? Peu lui importait. Alice ne tenait pas à la remercier, car elle considérait ce qui venait de se produire comme un échange. Elle acceptait d’être rabaissée au rang de jouet dans ce monde à condition d’être la souveraine dans celui rêves. Pour un tel pouvoir, cela lui paraissait presque équitable.
La porte s’ouvrit soudainement, coupant court à ses pensées. Il s’agissait d’un jeune homme blond aux yeux bleus qui n’était probablement encore qu’un adolescent. Était-ce lui, le fameux roi blanc ?

-Bonjour... Je suis le Roi Blanc, Eraël Lavian. Alpha m'a demandé de venir te trouver, je vais te servir de guide à travers les pièces du Jeu. Si t'as des questions... Je suis là aussi. Ne dis ton voeu à personne, même pas à moi, ça pourrait te porter préjudice. On peut savoir ton rang et ton nom ? lui demanda-t-il avec douceur, probablement parce qu'il s'agissait d'une enfant.

Alice enregistra rapidement toutes les informations, qui se gravèrent dans un coin de sa mémoire. Cet endroit était bel et bien un jeu d’échec géant. Elle était une pièce blanche, ce qui signifiait qu’il y avait aussi des pièces noires. La répartition était-elle un hasard? Elle y réfléchirait plus tard. Tout le monde avait fait un vœu dès l’instant de son arrivée mais il était déconseillé de le faire partager aux autres. Alpha était liée à ce roi d’une quelconque manière (Peut-être cette fameuse « résonnance » ?). Tout ceci était très vague, mais il valait mieux qu’elle en sache le plus possible sur cet environnement. Et puis l’arrivée de ce « roi » lui avait rappelé qu’elle ne se trouvait plus dans son monde habituel ; même si elle comptait plonger dans celui des rêves le plus rapidement possible, il serait imprudent de ne pas en tenir compte.
Tout en se faisant ces réflexions, elle s’approchait lentement de lui. Il lui avait demandé son rang. Elle était tentée de lui répondre « reine », mais il lui avait bien dit de ne pas dévoiler son vœu. Dans ce cas, quel était-il ? Alpha l’avait désignée comme « petit pion blanc »…peut-être était-ce ça ?

-Je suis Alice, lui répondit-elle d’une voix bien trop froide pour une enfant de cet âge-là. Pion blanc.

Elle était arrivée devant lui et ne bougeait plus. En vérité, sa tête était prise de vertige et son ventre lui signalait avec insistance sa faim. A quand remontait sa dernière prise de nourriture? Une journée, lui semblait-il. Elle avait réussit à prendre quelques pommes sur les étals d'un marché. Cela lui semblait lointain désormais. Mais tant qu'elle y pensait...Eraël ne lui avait-il pas dit qu'il serait un guide et qu'il répondrait à ses questions? Elle leva ses yeux vers lui et plongea son regard indéchiffrable dans le sien.

-Il y a de la nourriture dans les environs?

-Je suis Alice, lui répondit-elle d’une voix bien trop froide pour une enfant de cet âge-là. Pion blanc.

Elle était arrivée devant lui et ne bougeait plus. Immobile comme une statue et aussi froid que la glace. Décidément, les personnes venant ici n'étaient jamais banales... Et en ce moment, la froideur et le sang-froid étaient visiblement leurs qualités premières. Hum... Qualités... ou défauts. Parce que là, cette ambiance sérieuse et étrangement glaciale semblait un peu pesante pour le roi blanc, qui s’inquiétait un peu de voir autant de personne indifférente à leur environnement. Mais après tout, peu importe, il devrait s'adapter. Si Alpha les amenait ici, c'était que ce genre de personne le méritait. Enfin... Peut être. Eraël avait beau être son meilleur ami, il avait parfois du mal à la cerner. Toujours est-il qu'elle était pion blanc. Place habituelle pour tous les nouveaux arrivants, mais ne s'est-on jamais, après tout, deux fous venaient tout juste d'arriver ces derniers temps.

- D'accord. Enchanté, répondit-il d'une voix toujours aussi douce, puisque c'était habituel chez lui et qu'il avait toujours beaucoup de mal à parler autrement.
- Il y a de la nourriture dans les environs ?

La question était un peu surprenante. Enlevons le un peu qui était de trop : De souvenirs de Roi, personne ne lui avait jamais demandé ça en première question. Bon. Au moins, il n'aurait pas à faire de long discours ennuyant et digne d'un dictionnaire dont tout le monde se ficherait de toute manière, lui y compris.

- Oui. A la cafétéria. Autant que tu le souhaites. On peut commencer par cette pièce-là, si tu as faim.

Il tourna les talons et se dirigea vers la porte par laquelle il était entré, faisant signe à la jeune pièce de le suivre, puis passa la porte pour arriver dans l'immense couloir. Il sourit. Le soleil passait à travers les vitres, et on pouvait voir qu'Alpha était de bonne humeur pour un temps pareil. C'était plus rassurant que quand il y avait de l'orage et qu'elle décidait de foudroyer ceux qui sortaient dehors, non ? Bon. Il se mit donc en route vers la cafétéria en mettant à nouveau ses mains dans ses poches, un tic qu'il faisait souvent, adressant un léger sourire au pion blanc.

- Oui, lui répondit-il avec un air légèrement surpris. A la cafétéria. Autant que tu le souhaites. On peut commencer par cette pièce-là, si tu as faim.

Pour toute réponse, Alice se contenta d’hocher la tête. Elle avait faim, en effet. Le roi blanc tourna les talons et ressortit de la salle en lui faisant signe de le suivre. Elle s’élança à sa poursuite sans attendre et marcha un peu en retrait derrière lui. D’après ce qu’elle pouvait en voir grâce aux fenêtres qui parsemaient le couloir, il faisait beau, dans ce monde. Apparemment, même l’été était venu jusqu’ici. Ce n’était pas la saison préférée d’Alice car elle trouvait la neige beaucoup plus amusante et captivante. Le seul inconvénient était le froid et encore aujourd’hui, elle trouvait que le fait qu’elle ait réussit à passer l’hiver précédent dans la rue tenait ni plus ni moins du véritable miracle.

Le bâtiment semblait immense et la cafétéria, encore beaucoup trop lointaine. Alice avait désormais du mal à tenir debout. Son crâne bourdonnait comme si un essaim d’abeilles y avait élu domicile et elle était prise de vertiges. Elle trébucha brusquement et se rattrapa in-extremis à la manche de son guide. Elle releva la tête et s’excusa par automatisme, puis réussit à se souvenir, dans les méandres de son cerveau embrumé, qu’elle ignorait toujours une chose capitale.

-Si nous sommes les pièces d’un jeu, alors devons-nous jouer des parties ? Je n’aime pas les échecs, c'est un jeu ennuyant. C’est obligatoire ? demanda-t-elle tout en sachant très bien que si la réponse était positive, elle chercherait à tout prix un moyen d’y couper.

Rester des heures sur un plateau, et puis quoi encore ! Elle préfèrerait mille fois mieux dormir. Mais peut-être était-ce une partie spéciale? Puisque ce jeu d'échec semblait différent des autres, alors il serait normal qu'il possède des règles différentes des autres. Enfin, quoiqu'il en soit, elle n'aimait pas ce jeu; aussi attendit-elle impatiemment la réponse de son guide.
Sans se rendre compte qu'elle ne lui avait toujours pas lâché la manche.

Elle trébucha brusquement et se rattrapa in-extremis à la manche du Roi Blanc qui la soutint aussitôt, autant par réflexe que par gentillesse envers la demoiselle. Elle releva la tête et s’excusa par ce qui semblait être un automatisme, ce qu'il chassa d'un geste de sa main libre pour lui dire que ce n'était pas grave. La pauvre, néanmoins. Pour s'effondrer de faim, elle n'avait pas du manger depuis longtemps.

- Eh bien... Tu dois vraiment avoir faim pour être dans cet état, murmura-t-il, plus pour lui-même que pour elle.

C'est à ce moment-là que la jeune pion sembla se rappeler de quelque chose, ce qui intrigua immédiatement Eraël, sans doute une question importante qu'elle voulait lui poser. Il était là pour ça, après tout.

- Si nous sommes les pièces d’un jeu, alors devons-nous jouer des parties ? Je n’aime pas les échecs, c'est un jeu ennuyant. C’est obligatoire ?

- Oui, nous devons jouer à des parties... Parfois obligatoires, parfois facultatives... Même si les règles diffèrent d'un jeu d'échec normal, seule Alpha, la voix que tu as entendu à ton arrivée, décide de ces dites règles. Mais tu as le temps pour ça, si tu es pion... Ne t'en fais pas trop pour cela.

Il lui adressa un léger sourire rassurant, ne faisant rien pour qu'elle ne lâche sa manche étant donné que ça ne le dérangeait pas. Il lui aurait bien proposé de l'amener plus rapidement à la cafétéria... Mais il hésitait un peu, ne connaissant pas trop la réaction qu'aurait la nouvelle pièce. Puis, finalement, il se décida.

- Hum... Euh... Tu veux que je te porte ? Ce sera plus facile de t'emmener à la cafétéria, et au moins, tu ne risqueras pas de faire un malaise. Enfin, c'est comme tu le souhaites, je ne t'oblige à rien...

- Oui, nous devons jouer à des parties... Parfois obligatoires, parfois facultatives... Même si les règles diffèrent d'un jeu d'échec normal, seule Alpha, la voix que tu as entendu à ton arrivée, décide de ces dites règles. Mais tu as le temps pour ça, si tu es pion... Ne t'en fais pas trop pour cela, lui dit-il en lui adressant un léger sourire.

Oh non…elle savait déjà qu’elle n’irait pas aux parties facultatives, mais si certaines étaient obligatoires, aurait-elle vraiment le choix? Enfin, selon les dires de son guide, elle "avait le temps". Ce qui signifiait qu'elle aurait tout le loisir de réfléchir à un moyen d'y couper.

Mais, songea-t-elle, même dans le cas où je ne réussirais pas à l'éviter, ça ne sera peut-être pas si terrible que ça si Alpha se charge des règles. Puisqu'elle a créé cet endroit, elle ne doit pas être si ennuyante que ça. Je verrais bien...cela ne me coutera pas grand chose d'essayer une fois. Au pire, si ça ne me plait vraiment pas, j'irais en parler avec elle.

La jeune Alice fut interrompue dans ses pensées par Eraël, qui prit soudainement la parole. Elle remarqua au passage qu'elle n'avait toujours pas lâché sa manche et retira rapidement sa main.

- Hum... Euh... Tu veux que je te porte ? lança-t-il après une hésitation. Ce sera plus facile de t'emmener à la cafétéria, et au moins, tu ne risqueras pas de faire un malaise. Enfin, c'est comme tu le souhaites, je ne t'oblige à rien.

Alice le regarda curieusement, un peu surprise. Pourquoi lui proposait-il cela? Voyons...la cafétéria ne semblait pas être à deux pas d'ici et en effet, les chances qu'elle fasse un malaise étaient loin d'être nulles; étant donné qu'il était chargé de la guider, il ne la laisserait certainement pas évanouie dans un couloir, et le mieux pour lui serait qu'elle reprenne des forces au plus vite. De plus, elle était légère et n'allait certainement pas être un trop lourd fardeau. Quand à Alice, ce serait évidemment beaucoup plus confortable et moins risqué pour elle de se laisser amener là-bas sans faire d'efforts physique : ça les arrangerait donc tous les deux. Croyant avoir comprit les raisons qui poussaient son interlocuteur à lui faire cette proposition, elle hocha la tête.

-Je veux bien, merci. Au fait, dit-elle en levant les yeux vers lui, en attendant ces fameuses parties d’échec, nous sommes libres d’occuper notre temps comme l’on souhaite? Est-ce qu’on a nos propres chambres ? ajouta-t-elle en songeant que si elle le pouvait, elle passerait probablement la majeure partie de ses journées à dormir, mais que ça risquait d’être plus compliqué s’ils partageaient des dortoirs.

-Je veux bien, merci. Au fait, dit-elle en levant les yeux vers lui, en attendant ces fameuses parties d’échec, nous sommes libres d’occuper notre temps comme l’on souhaite ? Est-ce qu’on a nos propres chambres ?

- On est libre de faire et d'aller où on veut, oui...

...Mais je te déconseille tout de même de venir fouiller dans la chambre de Queen si tu ne veux pas te faire au choix massacrer ou carboniser en passant la porte, faillit-il ajouter sur un ton de plaisanterie, mais préféra éviter : Elle avait bien le temps avant de faire ce genre de rencontre pas forcément très sympathiques avec les nouveaux, tout de même.

- ...Et nous avons nos propres chambres, effectivement, Alpha les crée avant notre arrivée. Je t'y amènerai après la cafétéria.

Il s'approcha un peu plus d'elle, passant doucement ses bras sous elle pour pouvoir la porter. Il fut surpris par une telle légèreté, car même s'il avait bien vu qu'elle n'était pas grosse, ça restait surprenant à constater, mais ne fit pas de commentaire dessus. Il se permit alors d'avancer plus vite, la jeune pion dans les bras, se dirigeant dans les couloirs sans aucune hésitation malgré qu'ils soient tous identiques, connaissant les chemins par cœur à force de les avoir emprunté. Ils arrivèrent plus rapidement ainsi et Eraël fut soulagé de le remarquer. Il la déposa avec délicatesse sur une chaise de la cafétéria, où plusieurs pièces les regardaient avec interrogation, regards qu'il ignora royalement (hahaha... pas drôle, je sais) et désigna tous les plats posés en évidence.

- Tu n'as plus qu'à te servir.

-On est libre de faire et d'aller où on veut, oui...

Il sembla prêt à rajouter quelque chose, mais au lieu de quoi, il fit simplement une courte pause. Le petite fille se demanda s'il lui disait vraiment tout mais il reprit bientôt son petit speech en lui disant (à la grande joie d'Alice) que les chambres étaient en effet individuelles car Alpha en créait une pour chaque nouvel arrivant. Apparemment, elle verrait la sienne après avoir avalé quelque chose. Elle avait hâte; non pas parce qu'elle souhaitait particulièrement voir à quoi ressemblerait sa chambre (tant qu'il y avait un lit, c'était bien suffisant) mais parce qu'elle voulait absolument vérifier d'elle-même l'étendue de son pouvoir.
Eraël s'approcha d'elle et avec délicatesse, la porta dans ses bras. Pour plus de confort, Alice s'accrocha contre son cou tout en veillant à ne pas lui faire mal, car elle aurait l'air maligne s'il décidait de la déposer de nouveau au sol. Elle fut surprit par la chaleur qui se dégageait de son corps et songea que c'était la même qui se dégageait se chacun de ses sourires. La petite fille aurait bien aimé savoir comment il réussissait à les faire; elle avait eu beau s'entrainer face à son reflet, elle ne réussissait généralement qu'à faire une grimace bien peu convaincante.
Il accéléra le rythme et sans aucune hésitation, s'engagea dans des couloirs qui se ressemblaient tous. Alice voulut se concentrer pour mémoriser le chemin, mais avait un peu trop mal au crâne, et se dit finalement que de toute manière, retenir le chemin de la salle de son arrivée à la cafétéria ne lui serait guère utile; elle se concentrerait d'avantage quand il s'agirait d'aller de la cafétéria à sa chambre. Ils finirent par arriver à destination et le roi la posa doucement sur l'une des chaises. D'autres gens se trouvaient dans la salles, mais elle les ignora royalement (si si, c'est drôle, je t'assure), toute son attention s'étant porté sur les dizaines de plats qui lui faisaient face.

- Tu n'as plus qu'à te servir, lui dit son guide.

Alice aurait bien volontiers avalé l'intégralité de chacune des assiettes mais s'efforça de se contenir; elle savait qu'après autant de temps à se nourrir pauvrement, si elle mangeait trop, le contenu de son estomac risquait de ressortir aussi vite qu'il était entré. Elle prit donc ce qu'elle n'avait pas eu l'occasion de manger depuis bien longtemps: de la viande. Lorsqu'elle en avala la première bouchée, il lui sembla qu'elle n'avait jamais rien gouté d'aussi délicieux depuis toute sa vie.
Elle finit rapidement son plat avec une énergie qui ne lui ressemblait pas, puis constatant qu'il lui restait encore un peu de place, elle se servit quelques haricots verts. Une fois repue, elle se sentit beaucoup mieux. Peut-être même qu'elle en aurait pleuré si elle avait jamais su comment faire. La petite se souvint alors de son guide et leva les yeux vers lui.

-Merci, lui dit-elle avec sincérité. Alice ne savait pas sourire, alors ce mot était la seule chose qu'elle pouvait lui offrir pour le moment.

Elle se releva ensuite et une fois sur ses pieds, eu un léger vertige. Elle ferma les yeux et peu à peu, la sensation reflua. La fillette était encore un peu faible, mais désormais, pourrait marcher sans problème.

-Tu peux me montrer ma chambre, s'il-te-plait? lui demanda-t-elle poliment en supposant qu'elle pouvait le tutoyer puisqu'il faisait de même avec elle.

Elle finit rapidement son plat avec une énergie déconcertante pour le jeune Roi assis face à elle, avant de se servir quelques haricots verts en plus. Eh bien. Un tel appétit fit doucement sourire Eraël, qui se rappeler d'une scène avec... Non, en faîtes, ce n'était pas comparable du tout. C'était idiot de repenser aux souvenirs de la vie réelle. Mais il n'avait qu'une hantise : que les Pièces Noires arrivent à leur faim (...Et encore un jeu de mot à deux balles...) et que les Pièces Blanches soient obligé de retrouver leur vie d'avant. Plus jamais il ne voulait quitter la vie qu'il avait construit ici, et pour ça, il était près à tout. Il ressortit de ses pensées bien sombres lorsque la petite se souvenait elle de sa présence et levait les yeux vers lui pour le remercier.

- Merci, lui dit-elle avec ce qui semblait une véritable sincérité, et non un simple mot de politesse, ce qui le toucha davantage que si ça avait été le cas.

Eraël se contenta de sourire et de hocher légèrement la tête pour dire que ce n'était pas grand chose, mais préféra rester silencieux. Ils se relevèrent, et il lui sembla qu'elle eut un léger malaise, il resta donc assez près d'elle à ce moment-là au cas où, mais elle réussit finalement à se maintenir sur ses pieds. Rassuré de savoir qu'elle pouvait désormais tenir debout -car oui, il s’inquiétait souvent pour les autres- il s'écarta un peu, ne voulant pas qu'elle le trouve trop collant non plus.

- Tu peux me montrer ma chambre, s'il-te-plait ? lui demanda-t-elle poliment.
- Oui, bien sûr...

Il se dirigea vers la porte, faisant attention à ce qu'elle le suive, puis se dirigea à nouveau dans les couloirs, mais plus lentement, histoire qu'elle est le temps à la fois de le suivre et de retenir plus ou moins le chemin menant jusque sa chambre. Il désigna une porte blanche avant de l'ouvrir, dévoilant un long couleur de la même couleur que la porte. Il chercha les noms sur les portes, puis trouva celle où était inscrite "Alice Jired" et la lui désigna.

- C'est ici. Je...

Il s'interrompit pour un long bâillement puis se mit à frotter doucement ses yeux. Hum... Pas assez dormi, lui. Il faudrait qu'il aille sommeiller un peu, lorsque la visite se terminerait.

- ...fais comme tu veux. Soit je t'attend et te fais visiter les autres salles, soit je te laisse ici et on verra ça plus tard parce que tu es fatiguée.

Un peu comme lui... Mais ça ne le dérangerait pas de continuer la visite, si elle le lui demandait. Il se fichait bien de dormir immédiatement ou dans une heure, du moment qu'il récupérait son sommeil en retard aujourd'hui.

-Oui, bien sûr...

Il se dirigea vers la sortie et Alice lui emboita le pas. Le trajet se passa en silence, à la grande satisfaction de la petite qui put se concentrer sur la route. Elle avait toujours eu une plus grande faculté de mémorisation que les autres, et comprenait aussi beaucoup plus rapidement certaines choses. Elle avait par exemple apprit à lire seule, avec pour seul support un vieux livre d’apprentissage de lecture. Aussi, retenir un simple chemin ne lui posa aucun problème, même s’il était difficile de différencier chaque couloir. Elle nota qu’Eraël n’avançait pas aussi vite que tout à l’heure et se demanda si c’était pour l’aider. Décidément, son guide était bien prévenant. Répondre ses questions, ne pas en poser trop lui-même, lui sourire, la guider à travers le bâtiment, la porter sur le chemin…faisait-il tout ça uniquement parce que c’était son rôle ? A la réflexion, il aurait tout aussi bien pu l’emmener à sa chambre directement et lui donner une carte pour qu’elle se repère. Qu’est-ce qui le poussait à être aussi…gentil ?
La gentillesse. La douceur. La chaleur. Quel intérêt y avait-il à tout cela ? Pourquoi certaines personnes, comme Eraël, en faisaient preuve de manière tout à fait naturelle ? Et surtout, pourquoi elle n’était-elle pas capable de comprendre ces choses qui paraissaient pourtant si simples aux yeux des autres ? Alice n’était pas mauvaise, pourtant. Elle le savait. Mais elle ne comprenait pas ce qui poussait certaines personnes à tendre la main à leur prochain sans rien espérer en retour. Ce n’était pas logique, après tout. Décidément, la fillette était incapable de comprendre son propre roi.

Il s’arrêta soudain au détour d’un couloir et lui désigna une porte entièrement blanche. C’était donc là ? Il l’ouvrit, dévoilant ainsi un long couloir d’une blancheur immaculée. Ils le parcoururent quelques instants, puis son guide lui désigna une porte où était inscrite son nom. Alice Jired…comment avaient-ils sus son nom de famille ? De la magie, probablement. Après tout, ce monde en lui-même était magique, et si elle était capable d’exaucer n’importe quel vœu, alors Alpha était sans doute une très grande magicienne.

-C'est ici, lui indiqua son guide. Je...commença-t-il avant de s’interrompre pour lâcher un bâillement. Fais comme tu veux. Soit je t’attends et te fais visiter les autres salles, soit je te laisse ici et on verra ça plus tard parce que tu es fatiguée.

C’était surtout lui qui était fatigué, mais Alice ne fit aucun commentaire là-dessus. De toute manière, elle aussi souhaitait dormir. Dormir pour rêver, car elle était incapable de le faire éveillé. Mais une idée germa dans son esprit et elle braqua ses yeux dans le regard de son interlocuteur.

Alice était incapable d’être « gentille », c'était un fait. Mais Alice savait rembourser ses dettes. Cet homme l’avait guidé, l’avait nourrit, l’avait porté. Ne méritait-il pas qu’elle fasse quelque chose pour lui en retour ?

-Fait de beaux rêves, murmura-t-elle dans un souffle. Une simple phrase banale qui dans le cas présent, signifiait pourtant tant de choses.

Puis elle entra dans sa chambre et referma la porte sans se retourner.

Elle braqua ses yeux dans le regard d'Eraël Lavian qui fut assez interloqué. Déjà, le fait qu'elle le braque aussi franchement l'intriguait, mais aussi par la ressemblance qu'elle avait avec... Alpha. Non, pas ressemblance, elles n'étaient pas du tout semblables. Mais pourtant, elle aussi avait cette façon de le regarder déstabilisante mais qui lui plaisait beaucoup néanmoins.

- Fait de beaux rêves, murmura-t-elle dans un souffle.

Cette phrase banale et simple l'intriguait, et il se sentit obligé d'y chercher une signification quelques instants. Mais il comprit rapidement qu'il n'avait aucune information pour ça, et que de toute manière, ce murmure ne signifiait sans doute rien de plus qu'une simple politesse. Peut être devenait-il trop attentif aux paroles des autres avec le temps. Enfin non, peut être était-il trop attentif de nature, plus simplement.

- Merci, se sentit-il obligé de répondre un peu vaguement, se sentant assez idiot par la suite.

Comme elle semblait décider à rester dans sa chambre, il préféra s'en éloigner un peu, et décida de partir vers les plaines et non dans son lit. C'était toujours plus agréable de s'endormir sous l'ombre des arbres avec lesquels le soleil s'amusait à tenter de réchauffer doucement... Et il comptait bien en profiter. En espérant que les cauchemars ne décident pas de revenir brutalement... Car après tout, même si la jeune fille lui avait souhaité de beaux rêves, rien n'était sûr... Enfin c'est ce que le roi blanc en pensait du moins.